
Il y avait foule à l’entrée de la grotte. En ce jour du milieu de l’été -34048, toutes les figures connues de la bonne société Homo Sapiens, rive gauche et rive droite de l’Ardèche confondues, n’avaient pas hésité à faire des jours de marche pour assister à l’inauguration de ce nouveau lieu où l’on annonçait un spectacle encore jamais vu.
Elles avaient d’autant moins hésité que depuis quelque temps cette période de l’année devenait plus propice aux longs trajets car la température s’était nettement réchauffée – on descendait maintenant rarement en cette saison en dessous de -20° – et on pouvait espérer éviter pendant plusieurs jours ces tempêtes de neige qui rendaient la progression extrêmement périlleuse, surtout quand elles étaient flanquées du vent glacé qui soufflait des hauts-plateaux et plongeait les marcheurs dans un brouillard blanchâtre à couper à la pointe de sagaie.
Knouk accueillait personnellement les invités et ne pouvait cacher son plaisir, teinté de revanche, de voir défiler devant lui tous ceux qui le méprisaient – en privé il les traitait de Cro-Magnon – et qui considéraient ses activités comme inutiles, voire nuisibles et en tout cas sans intérêt ni avenir. Quelques mois plus tôt il avait essuyé les moqueries à cause de ses idées farfelues de gribouiller sur les pierres ou sur le sol, des formes censées représenter les animaux. Pour ces congénères, ils étaient dans le meilleur des cas un gibier, mais la plupart du temps une menace. D’ailleurs, un certain nombre d’amis de Knouk, avaient fait les frais de leur désir d’observer au plus près la faune locale, finissant piétinés par un mammouth laineux sans même que l’animal ne s’en rende compte, ou soulevé, à une hauteur de laquelle ils retombaient en se fracassant les os, par les bois monumentaux d’un mégacéros, lorsque celui-ci relevait la tête et qu’il embarquait ce fétu de paille qui tentait d’observer sa parure frontale. Lire la suite